Pourtant, dans cette classe de grande section de maternelle de l’école Jean-Baptiste Clément de Trappes, c’est « Maitresse, j’ai observé que l’aimant ne collait pas sur les arbres, ni sur le coton, mais sur les barres de fer et de nickel » et « j’en déduis que les aimants adhèrent au fer et au nickel ».
Les enjeux de la culture scientifique sont immenses et mis en lumière par les récentes crises sanitaires, énergétiques et climatiques. Et il apparait plus que jamais nécessaire d’immerger les enfants tôt dans la culture scientifique car, à cet âge-là, il n’y a encore aucune appréhension. Au contraire, les enfants sont curieux, ouverts et ont peu d’idées préconçues. C’est très tôt qu’on peut et qu’il faut les initier à la démarche scientifique afin qu’ils comprennent le rôle des sciences dans la société et qu’ils puissent, plus tard, évaluer la pertinence des informations scientifiques ou pseudo-scientifiques auxquelles ils seront confrontés. Il s’agit là d’un enjeu primordial de la formation des futurs citoyens. Depuis 2015, le synchrotron SOLEIL et l’inspection académique des Yvelines proposent le programme « Lumières primaires ». Ce programme permet aux enseignants des départements des Yvelines et de l’Essonne (circonscription des Ulis) qui en font la demande de bénéficier d’un prêt de malles contenant du matériel pédagogique scientifique permettant de mettre en œuvre des séances de démarche expérimentale. Un appui et une formation à l’utilisation de ces malles peuvent également être proposés.
Dans le cadre de la conception d’une nouvelle malle sur la thématique « Magnétisme et développement durable », Jeanne Lemoigne et Bérengère Balaire, les deux enseignantes qui ont mené le projet avec leur classe de grande section de maternelle, ont conduit sur plusieurs semaines en juin 2022 une véritable démarche d’investigation scientifique sur la thématique des aimants, démontrant magistralement que les sciences peuvent être accessible à tous. Et que les enfants, dès le plus jeune âge, sont capables d’observer, de faire des hypothèses, de réfléchir à des expériences, de les mener pour en tirer de nouveaux savoirs, et ce de façon aussi rigoureuse que la démarche scientifique l’exige !
Jeanne et Bérangère n’avaient pourtant jamais mis en place une démarche d’investigation scientifique auparavant. « Nous ne savions pas où nous allions. Notre objectif était de les (les élèves, NDLR) impliquer dans une démarche scientifique et qu’ils en comprennent les étapes. » Épaulées par Stéphane Bretheaud, conseiller pédagogique de la circonscription de Trappes, elles ont proposé aux enfants une immersion dans cet environnement scientifique. « Nous avons appréhendé cette séquence avec beaucoup de motivation car, comme pour les élèves, l’exigence et l’ambition sont de vrais moteurs pour monter des projets. » ajoutent-elles.
La séquence a duré 3 semaines. Et ça a commencé comme une aventure, par l’exploration de l’environnement : les enfants devaient chercher dans toute l’école et la cour de récréation où accrocher une feuille avec un aimant. « Nous avons très vite remarqué l’implication et la motivation des enfants, la mise en projet est toujours très porteuse, surtout quand elle questionne, qu’elle permet de manipuler et qu’elle est ambitieuse. Les enfants sont souvent très étonnants, plus c’est exigeant et ambitieux plus ils sont motivés et impliqués. »
Les activités scientifiques étaient également l’occasion de réinvestir un large éventail des compétences acquises dans l’année : compétences langagières orale et écrite aussi bien que compétences mathématiques, capacité d’observation, de manipulation, questionnement de ses idées préconçues, etc. Loin de l’appréhension manifestée parfois par les adultes, les enfants sont entrés avec enthousiasme dans cet univers scientifique. « Nous les avons trouvés très fiers d’acquérir et d’utiliser du vocabulaire et des concepts scientifiques. Ils l’ont verbalisé à de nombreuses reprises. » font remarquer les deux enseignantes.
Même les histoires parlaient d’aimants (Fisie Ka et la pierre mystérieuse, Blandine Pluchet et Virginie Rochetti, edition Le Pommier, 2004) et les temps d’accueil et de jeux devenaient magnétiques !
A la fin, un défi technologique et artistique a consisté à raconter une histoire en déplaçant un personnage grâce aux aimants. Une façon de terminer sur une note plus littéraire car la science est partout !
Floriane Bernardini professeur relais au synchrotron SOLEIL
Par de nouveaux accès à l’inconnu, le renouvellement des rendus et des matières utilisables, sciences, techniques et créations artistiques ont depuis toujours entretenu des liens très étroits, alimentés des productions polymorphes.
Alors que leur diversité rend toute catégorisation illusoire, analyser les racines communes rapproche singulièrement esprit scientifique et esprit artistique, car révèle de nombreux principes communs : s’interroger, réagir aux observations, imaginer des manipulations, communiquer… Pourtant, les pratiques professionnelles ont conduit à des pratiques enseignantes différentes à l’école : démarche d’investigation n’est pas « SMOG » (Support Medium Outil Geste), geste dansé n’est pas analyse de trajectoires. L’expertise artisanale, des sculpteurs perses de motifs géométriques aux soudeurs en technologie spatiale, semble même quasiment abandonnée. Vocations et même envies se tarissent, au rythme du ralentissement des transmissions de savoir-faire, jugées peut-être moins nobles que les compétences. Eprouvons-nous encore des devoirs vis-à-vis de nos Compagnons ?
Dès lors, quel sens revêt le terme « Culture » si ce n’est celui d’une richesse en lien avec sa diversité ? Comment ne pas le transférer en composantes plurielles dans l’E. A. C. (Education Artistique et Culturelle) ?
Nous avons mis en œuvre une séquence pédagogique mettant en jeu des démarches scientifiques par des enfants de maternelle. Manipuler non pas pour jouer, mais pour comprendre, comparer pour constater des faits reproductibles et construire des preuves, réinvestir pour anticiper ou se surprendre… Autant de situations permettant d’évoluer d’un monde décrit par les mots à compris par ses règles, plus organisé et donc avec une peur de l’inconnu réduite. L’enfant pourra alors s’y appuyer afin d’élaborer ses propres productions, physiques ou mentales, tout en s’éloignant avec confiance du confort de son habitus et vivant l’expérience d’une forme de liberté.
Graines (de sciences) et (artistes en) herbe : probablement l’histoire de l’œuf et la poule.
Stephane Bretheaud, conseiller pédagogique de la circonscription de Trappes
Mise à jour : juin 2023