77ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz - Témoignages de collégiens Essoniens

4 élèves du collège Charles Péguy de Palaiseau, plébiscités pour leur implication dans leur travail sur le devoir de mémoire des victimes de la Shoah ont accompagné le Premier Ministre à Auschwitz. Témoignages.

Ouvrez votre cœur, visiteurs de ces lieux, et votre esprit, et votre âme. En parcourant l'exposition « Shoah », vous serez submergés par les images et les sons du passé. Écoutez les voix des victimes, regardez les dessins des enfants, touchez les noms des personnes assassinées. Soyez les messagers de ces lieux. Prenez avec vous le message que seule la mort peut encore donner à la vie : « Il faut se souvenir ». Élie Wiesel, lors de l’inauguration du Pavillon 27 à Auschwitz, juin 2013.

77ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, 77ème convoi parti de France vers Auschwitz. Étonnante coïncidence des numéros. C’est parce que notre classe participe au projet européen Convoi 77 que nous avons été choisis pour accompagner le Premier ministre Jean Castex et la délégation française, à Auschwitz le 27 janvier 2022. C’est dans ce lieu que Charlotte et Ruth Mentzel, dont nous allons rédiger les biographies, furent assassinées dès leur arrivée.

Notre première image d’Auschwitz-Birkenau est un camp vide, d’une superficie déroutante. Nous avons marché sur la longue allée, puis sur le quai de débarquement et de la sélection, la Neue Rampe, à côté des rails, qui ont amené des dizaines de convois bondés de déportés. Au bout de l’entrée principale du camp, là où se terminent les rails se dresse le monument international. Il est composé d’une sculpture représentant toutes les personnes déportées et gazées, ainsi que de plaques de mémoire, traduites en une vingtaine de langues, qui rappellent le crime qui s’est déroulé : « Que ce lieu où les nazis ont assassiné un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants, en majorité des juifs de divers pays d’Europe, soit à jamais pour l’humanité un cri de désespoir et un avertissement. Auschwitz-Birkenau, 1940-1945 ».

C’est devant ce monument que monsieur le Premier ministre a déposé une gerbe de fleurs blanches entouré de deux élèves.  Puis, Élie Buzin et Léon Lewkowicz, accompagnés chacun d’un élève, ont déposé une bougie au pied du monument.

© Alexandra Lebon – Matignon

Lorsque j’ai appris que j’allais déposer la gerbe avec un lycéen et monsieur Jean Castex j’étais très stressée à l’idée d’être à côté du Premier ministre. Une fois que j’ai pris la gerbe en mains, je n’ai plus du tout pensé à monsieur Castex, mais aux personnes qui avaient été assassinées par la barbarie des nazis. Je me suis dit que par ce geste nous rendions hommage aux centaines de milliers d’hommes, femmes et d’enfants venus de toute l’Europe, pensant arriver dans un camp de travail et assassinés par le seul fait qu’ils étaient juifs. Après avoir déposé la gerbe, j’ai eu la tête lourde et les larmes me sont montées en pensant que l’on était dans le plus grand cimetière d’Europe sans corps. Essi

© Alexandra Lebon – Matignon

Moment de recueillement avec le Premier ministre et l’ensemble des participants.

© Alexandra Lebon – Matignon

L’après-midi nous avons visité le camp de concentration d’Auschwitz I. Après être passé sous l’enseigne « Arbeit Macht Frei » et devant la « barre des pendus » nous avons visité les Blocks 27 (pavillon juif d’Auschwitz-Birkenau) et 20 (pavillon français) qui sont maintenant transformés en salles d’exposition.

Nous avons pu découvrir les vies des Juifs avant leur assassinat massif. Des vidéos et des photos de familles retrouvées étaient projetées sur tous les murs, nous donnant un aperçu du génocide réalisé par les nazis, des millions de vies et de familles juives et tziganes détruites et parfois même entièrement disparues de notre mémoire européenne puisque même leur nom a disparu. Avant le génocide, ils avaient une vie, comme tout le monde et le visionnage de ces vidéos d’enfants et de familles heureuses a été très touchant car nous savons tous comment l’histoire s’est terminée, avec une telle cruauté et inhumanité qui semble presque inconcevable.

La salle la plus marquante est celle des dessins d’enfants. Des centaines de dessins étaient exposés, pas seulement d’Auschwitz mais de tous les camps, et regroupent le moyen d’expression le plus utilisé des enfants : le dessin. Ils exprimaient l’horreur de leurs conditions de vies, ils dessinaient le camp ou des SS, parfois leurs parents et faisaient part de leur peur, inquiétude ou tristesse. Cette communication par le biais d’enfants est extrêmement émouvante et très dure car ce sont de simples croquis dessinés sur des murs mais réalisés car ces enfants-là en avaient besoin et ils tout dire de l’atrocité dans laquelle ils vivaient.

Dans une des salles, un monumental « Livre des Noms » de 2 mètres de haut et 14 mètres de long contient les noms de 4,2 millions de personnes assassinées. Nous avons retrouvé et « touché » les noms de Charlotte et Ruth Mentzel. Aujourd’hui les recherches continuent pour tenter de retrouver l’ensemble des noms des personnes tuées lors du génocide (6 millions d’êtres humains). Retrouver les familles, c’est important cela permet d’écrire l’histoire et d’aller à l’encontre de ce que les nazis voulaient faire.

L’ambiance de l’extérieur a été reconstituée dans les salles d’exposition pour montrer l’horreur jusqu’au bout. Dans les salles du Block 27, on peut entendre des bruits de trains qui grincent sur les rails, on voit des barbelés ou des fils de fer accrochés au plafond et des ombres de personnes sont également projetées sur les murs des salles. Tous ces éléments contribuent aussi à recréer l’atmosphère générale et glaçante du camp.

Nous avons ensuite visité le pavillon français. Une autre salle exposait de nombreux noms et photographies d’enfants Juifs de France assassinés à Auschwitz. Plus de 5 000 noms, histoires et portraits d’enfants ont été retrouvés sur environ 11 000. On se rend vraiment compte de la barbarie de ce génocide lorsque l’on lit les histoires des enfants et que l’on regarde leurs portraits. Serge Klarsfeld nous a raconté le travail de recherche qu’il a effectué avec Beate pour trouver non seulement le nom des enfants déportés et assassinés mais également une photographie.
Il est extrêmement difficile de s’imaginer que l’on a pu déporter et gazer des personnes car ils étaient ‘‘différents’’ mais plus particulièrement des enfants qui parfois n’étaient seulement âgés de quelques mois ou années car un enfant représente l’innocence et n’a même pas encore fait des choix de vie, en conséquence assassiner cette partie de la société, c’est atteindre les limites de l’atrocité et de la brutalité.

Élie Buzyn et Léon Lewkowicz nous ont expliqué que les déportés portaient des triangles de différentes couleurs : les politiques portaient un triangle rouge, les témoins de Jéhovah un triangle violet, les homosexuels un triangle rose, les tsiganes un triangle marron, les juifs un triangle jaune, et un triangle bleu pour tous ceux qui était considérés comme apatrides.

Nous avons lu le message écrit par Jean Castex sur le livre d’or du musée :

Auschwitz, symbole d’une rupture dans l’histoire de l’humanité ». Ces mots de Simone Veil ne cessent de me hanter. La France a été touchée au plus profond d’elle-même par la déportation et la Shoah.
Ainsi, en ce jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, je suis venu m’incliner devant les victimes de la machine de mort nazie et dire que la République ne cessera jamais d’accompagner le devoir de mémoire.

Ici, bien sûr, et je rends hommage au travail du musée national d’Auschwitz-Birkenau, mais aussi dans toutes les écoles et dans tous les collèges, dans tous les lycées de notre pays. À l’heure où la France préside le Conseil de l’Union européenne, je mesure le défi de la part la plus douloureuse de l’histoire européenne. Sa transmission aux jeunes générations, à un moment où la voix des derniers témoins s’éteint lentement est une nécessité absolue.
La barbarie et les ressorts qui y conduisent doivent toujours nous trouver en travers de leur chemin. C’est la condition même de notre Humanité.

Le 27 janvier 2022-02-10 - Jean Castex

 

© Juliette Pages

Lors de notre arrivée à Auschwitz Birkenau je n'arrivais pas à comprendre de quelle manière était construit le camp car les bâtiments en bois avaient disparu avec le temps. Seules se dressaient les cheminées en briques rouge. Thomas

 

Faut-il restaurer les baraquements en bois ? Et les cheveux, les valises… ? Ou au contraire laisser le temps faire son œuvre ? Car restaurer les baraquements n’est-ce pas « détruire l’histoire » au profit d’une mémoire « artificielle » ?
Si l’on restaure le site, les objets, ce ne sera plus la réalité, mais si l’on ne restaure pas l’histoire d’Auschwitz-Birkenau risquerait de s’effacer tout comme la voix des survivants qui s’éteint progressivement avec leur disparition. Et c’est ce que les nazis voulaient : faire disparaître non seulement les hommes, les femmes et les enfants mais aussi toutes les traces de l’organisation du génocide.
Il faut réfléchir à comment garder en mémoire ce que fut Auschwitz-Birkenau pour les générations futures. La guide nous a parlé d’un projet de musée virtuel qui est en cours de création. Peut-être le moyen de garder en mémoire ce lieu ?

© Alexandra Lebon – Matignon

A la fin de la commémoration du 77eme anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, nous sommes passés par le camp pour sortir et retourner à l’aéroport, il faisait nuit, la journée avait été longue et nous avions froid. Nous nous sommes demandés si il était possible de montrer de belles images d’Auschwitz quand on sait ce qui s’est passé dans ce lieu. C’est sur cette question que nous avons quitté le camp d’Auschwitz 1.

© Alexandra Lebon – Matignon

 Auschwitz la nuit est encore plus terrifiant qu’en journée, l’air en plus d’être gelé est aussi glaçant car on s’imagine en chemise et au travail forcé ; ce soir-là, nous étions bien couverts et ce paysage nous glaçait le sang.
Les murs en brique du camp et les barbelés étaient à peine visibles à cause de la lumière de la lune, cela m’a vraiment marqué de voir ce lieu dans la nuit et plus jamais je n’oublierai cette journée ni cette nuit.
J’ai eu la chance de traverser une expérience à la fois des plus enrichissantes et aussi des plus traumatisantes de ma vie. Ce lieu doit être vu par le plus de personnes possibles, cela permettrait à tous de mieux percevoir la vie et de lutter contre toute forme de discrimination.

Ce chemin parcouru l’était aussi dans nos têtes, à travers la marche dans les pas des déportés. Des pas qui ont disparu, mais si présents ce soir-là… Abel.

 

La découverte des lieux est très impressionnante et émouvante et c’est à la fois dur de s’imaginer tout ce qui s’est passé dans ce lieu, Auschwitz étant le plus grand cimetière sans tombes d’Europe.
Après la visite, la phrase « Le travail rend libre » résonnait encore dans ma tête, je voyais la porte avec les rails d’Auschwitz – Birkenau et je ressentais l’ambiance glaciale et figée du camp le soir.
Nous avons eu beaucoup de chance de rencontrer des rescapés d’Auschwitz et leurs discours furent très émouvants et m’ont beaucoup touchée. De plus, nous sommes la dernière génération à pouvoir entendre de vive voix des témoignages de rescapés et avec lesquels nous pouvons échanger et questionner. Notre devoir est maintenant de faire perdurer la mémoire car c’est très important, de commémorer pour ne pas oublier et transmettre à nos descendants les témoignages des rescapés que nous avons rencontrés. En ce 27 janvier 2022, pour le 77e anniversaire de la libération du camp, nous sommes devenus les témoins des témoins d’Auschwitz. (Juliette)

En rédigeant les biographies de Charlotte et Ruth Mentzel, déportées par le Convoi 77, le 31 juillet 1944, nous participons à ce travail de mémoire, en poursuivant celui de Beate et Serge Klarsfeld. Au-delà des noms et des photographies, ce sont des parcours de vie que nous écrirons.

 

 

 

 

Mise à jour : mars 2022